"Les mots qui touchent l'âme - Découvrez la plume de Juliette Norel"
Juliette,
Il faudra que tu dises la vérité sur la puanteur de la boue dont tu te sens salie,
Sur la condescendance abjecte dont on t’éclabousse quand tu essaies de parler.
De ces policiers qui te jugent pour une jupe trop courte,
Une bouche peinte en rouge,
Ou tes yeux qui ont refusé de se baisser.
De ces appels à l’aide qui se perdent au bout du fil,
De ces silences qui te crachent que “tu l’as bien cherché”,
De ces plaintes qu’on te dissuade de déposer.
Que tu dises ce que c’est de se faire examiner
Par un médecin légiste qui cote la douleur que l’on t’a infligée.
Il faudra que tu dénonces ces moutons, aussi,
Qui, refusant de comprendre, te renvoient à des questions
Qui te clouent net au pilori
Et te marquent au fer de la honte :
“Pourquoi tu ne t’es pas défendue ?”
“Pourquoi y es-tu allée ?”
Ou “Pourquoi y es-tu retournée ?”
Parce que tu es seule dans ce fumier dont on te recouvre,
Qu’on n’entend pas tes cris qui s’étouffent,
Que tu te noies à contre-courant,
Doutant même de tes propres droits.
Parce qu’on a beau pondre de jolies directives
Dans notre bel État.
Au final : soit tu es une faible conne,
Soit une vile tentatrice.
Et parce qu’enfin, c’est certainement de ta faute à toi
Si tu saignes aujourd’hui,
Et que demain, peut-être,
Tu seras l’une des 34 femmes tombées sous les coups d’un homme
Qu’elle a jadis chéri.