Archives du mot-clé extrait

Moi, Juliette #extrait 1 L’anonyme intime

Je ne sais précisément à quel moment, ma vie s’est mise à dérailler…je ne pourrais définir à quel instant la magie de l’enfance s’est envolée… 

Était-ce dans cette chambre miteuse, lorsque, pendant cet été adolescent, on m’avait fait la haine et assassiné mon enfant intérieur ou alors était-ce bien avant ? 

J’avais cru mourir souvent, m’étais relevée pourtant, j’avais réussi à reconstruire ma vie, réappris à faire confiance. J’avais offert l’amour qu’il me restait, donné la vie à une petite fée et puiser toute ma force pour combattre mes démons les uns après les autres mais… 

Alors que je me suis mariée il y a seulement quelques mois, tout dérape à nouveau. L’homme que j’ai épousé me dévoile le pire alors que je rêvais du meilleur sans compter cette ombre menaçante qui rôde autour de nous, sans que je ne sache comment la contrer. 

Depuis des semaines, je suis harcelée de messages anonymes, effrayants de précision sur ce qui fait ma vie, actuelle et passée. 

La violence a décidé de prendre sa revanche et s’infiltre à l’intérieur et à l’extérieur de mes murs. 

Je vais devoir la débusquer et reprendre ma vie en main pour ne surtout pas laisser gagner la noirceur. 

Cendrillon et la chambre miteuse #extrait 25 Une anonyme au bout du fil

Il a dix-huit ans, vient de région parisienne pour faire du surf, conduit une moto, arbore un immense tatouage tribal sur le bras et est très mignon dans son genre.

Genre surfeur, blond, les cheveux mi-longs, très musclé, l’air sûr de lui et un sourire hollywoodien.

Les deux autres sont un peu plus jeunes, encore mineurs, et beaucoup plus insignifiants : Jules et Florian.

Delphine semble elle aussi, sous le charme de Greg.

A priori, il doit savoir qu’il exerce un certain pouvoir de séduction auprès de la gente féminine.

Il émane de lui, une aura d’insolente confiance et de sex-appeal mêlés.

Tous les cinq passent du temps ensemble, jusqu’au soir où, Greg, glisse sa main dans celle de Juliette et l’emmène sur la Grand Plage, plantant les quatre autres sur place.

Juliette est fascinée par la simplicité sans-gêne de ce type qui suit ses envies sans se soucier de ce que les autres pourraient en penser.

Derrière des rochers, il l’embrasse comme jamais personne auparavant, comme un homme et plus comme un garçon.

Quand elle sent ses mains se faufiler sous sa jupe et son corps devenir pressant contre le sien, elle a peur du désir qu’elle sent gonfler.

La nuit noire les entoure, une angoisse diffuse s’insinue, elle le repousse et prétend devoir rentrer.

Il passe la main dans ses cheveux mi-longs pour les recoiffer, sourit et lui dit :

─ Ok, Cendrillon, passe me chercher à l ‘hôtel demain matin, on ira se balader

Juliette s’éclipse, fait le chemin de retour seule, s’arrête un instant sous un porche pour réajuster sa jupe et vérifie ses cheveux dans un rétroviseur.

Elle rentre, dit quelques mots à ses parents et rejoint Fanny endormie dans la chambre qu’elles partagent.

Elle est troublée par sa soirée et peine à s’endormir, se sentant comme un papillon à la lumière d’un réverbère, attiré presque malgré lui par la lumière.

Le matin assez tôt, elle se lève, se prépare, enfile une robe noire à fleurs et une chemise violette irisée, puis prend un petit déj’ rapide, vérifie la pendule et alors que ses parents et sa petite sœur partent au marché elle regarde par-dessus les murs du jardin si le volet de la chambre de Delphine est levé.

Elle aimerait la voir pour lui raconter l’épisode avec Greg mais sa copine semble encore dormir, alors, Juliette décide d’aller le chercher à son hôtel.

La chambre qu’ils louent tous les trois, est située au rez-de-chaussée surélevé au-dessus d’un bar.

Elle grimpe la volée de marche qu’elle connaît pour l’avoir déjà empruntée.

Elle s’arrête un instant pour écouter les bruits qui sortent de la chambre, les garçons sont réveillés, la porte est entre-ouverte, ils semblent parler d’une fille mais Juliette n’entend pas tout.

Elle toque, attend qu’on lui dise d’entrer, pousse la porte et sourit, hésitante.

Grégory est allongé sur son lit.

La chambre comporte deux lits jumeaux tout simples et un lit double avec un cadre en bois.

Les garçons se taisent quand il lui fait signe de rentrer et de s’asseoir près de lui.

D’un coup, cette scène lui paraît étrange et la met très mal à l’aise.

L’accalmie avortée #extrait 24 Une anonyme au bout du fil

Pendant une poignée de semaines d’accalmie, la pression du Brevet tombée, Juliette profite de sa bande de copines pendant que Fanny est au centre de loisirs et que ses parents travaillent.

 Elle est tranquille, sereine, aimerait que cette période d’insouciance ne cesse jamais.

Pas de nouvelles de François et plutôt se décolorer les cheveux que prendre le risque de le rappeler.

Par principe, elle boude Isabelle, qui l’a vendue.               

Même si elle sait bien sûr que c’était pour son bien, elle ne digère pas que sa copine ait cédé de la sorte aux injonctions parentales.

Elle appréhende déjà le mois d’août qui annonce les vacances familiales dans le Pays basque.

Avec eux, règne un climat de fausseté résignée qui glace l’atmosphère.

Les repas de famille sont indigestes, malgré les babillages futiles qui dissimulent si mal le malaise ambiant.

Ils n’ont jamais reparlé de la fugue, après ce fameux week-end.

Comme si…il fallait faire comme si rien ne s’était passé, comme on évite une flaque au sol au pied qui pourrait tâcher leurs chaussures éclabousser leurs pieds.

Plus tard, pourtant, elle repensera à ces quelques jours avec une nostalgie colorée, comme étant les tous derniers avant que toute sa vie ne bascule dans l’obscurité.

Mi-août, ils s’installent donc tous les quatre pour une quinzaine de jours, dans une maison louée à Biarritz en plein centre-ville.

Juliette fuit le plus possible la compagnie de ses parents, toujours flanqués de la petite Fanny.

Elle sympathise avec une certaine Delphine en vacances elle aussi, logeant dans un immeuble tout proche.

Elles discutent, se promènent, vont se baigner à la plage la plupart du temps.

Un matin, alors qu’elles sont à la piscine en train de rire aux éclats de se voir ridicules avec leurs bonnets de bains, un groupe de trois garçons les abordent et les draguent un peu.

Juliette, bien que réticente au départ, se laisse troublée par le plus âgé d’entre eux, Grégory.

L’évasion ratée #extrait 23 Une anonyme au bout du fil

Elle rentre comme un prisonnier qui vient de rater son évasion, avec un mitard quand même beaucoup plus agréable, dans la demeure bourgeoise de ses parents, maison qu’elle ne considérera jamais comme son foyer à elle, puisqu’elle n’s’y sent pas chez elle.

Chez elle c’était ailleurs, c’était avant.

Plus tard, elle a droit aux reproches de ses parents, aux yeux mouillés de France, à la culpabilisation, à un prêche sur son ingratitude et même à un petit tour au commissariat pour confirmer qu’il n’y avait plus lieu de la chercher avec un petit sermon d’un flic en uniforme, en prime.

  Ben voyons !

Juliette ne dit rien et hoche simplement la tête comme un pantin sous Xanax, pour leur faire croire à tous qu’elle se repent.

En réalité, elle veut juste se laver, dormir et que cesse ce week-end cauchemardesque.

En se disant que lundi, elle éteindrait la flammèche qui avait mis ce feu aux poudres et que tout finirait par rentrer dans l’ordre.

Après tout, c’est juste un problème de moyenne de chimie…

Le lundi matin première heure, dans le bureau du principal…

Juliette explique le problème, des vérifications sont faites, elle a raison, il y a eu inversion des moyennes, avec un vrai blaireau.

─ On est vraiment désolés, mortifiés, ça n’arrive jamais !!! 

Blablabla

Putain de Karma.

Évidemment, elle passe en seconde, le principal s’excuse, pas ses parents.

Dans quelques semaines, elle doit passer le brevet.

Et ce n’est pas gagné, ils pensent tous sans l’exprimer à haute voix qu’elle n’aura pas l’examen.

─ Beaucoup de points à rattraper Juliette…

 Alors, avec toute l’énergie déployée par un esprit de contradiction surdéveloppé, elle décide de faire mentir leurs sourires consensuels, non pas pour les contenter eux, mais pour qu’ils regrettent d’avoir douté d’elle et effacer ce cynisme mielleux de leurs traits.

Pendant trois semaines, elle va bosser d’arrache-pied, revoir tout le programme qu’elle a passé l’année à vaguement survoler.

Elle aura son brevet, épuisée.

Toute une journée à guetter les résultats sur écran, dans le bureau de Noël. Rien.

N’y tenant plus, elle se rend au collège pour attendre l’affichage dans la cour…

Juliette RICHARD ; ADMISE

Elle rentre à la maison, s’attendant naïvement à un moment de gloire mais ne voit sur le visage de ses parents que le voile de l’incertitude et du doute.

Elle les imagine déjà monter en douce pour vérifier par eux-mêmes puisqu’ils ne semblent pas la croire capable d’avoir réussi son examen.

Pas d’excuses, pas de fierté mais une sorte d’instant figé, on l’on fait tous semblant d’être heureux.

A cet instant, le cœur de Juliette est comme un morceau de soie, froissé, déjà malmené que l’on déchire au ralenti.

Partir d’ici au plus vite, comme un mantra.

Comme s’il n’y avait déjà plus rien à sauver entre eux.

Elle avait tellement raison…

L’amie qui trahit #extrait 22 Une anonyme au bout du fil

Elle se secoue, « ce n’est pas le moment, Ju !» repose le combiné pour le reprendre, glisse sa carte et compose le numéro d’Isabelle, une autre de ses amies.

C’est sa mère qui décroche, elles s’aiment bien avec Juliette.

Pourtant, elle sent sa voix tendue, mais elle ne dit rien de spécial, appelle sa fille, et lui glisse quelque chose, que Juliette ne saisira pas.

Soudain la voix d’Isa, dans l’appareil, comme un réconfort.

─ Ju, ça va ? Tu vas bien ?

─ Oui ça va, mais je suis partie de chez moi, j’me suis pris la tête avec ma mère, j’en ai ras-le-bol…

─ Dis-moi où tu es, on va venir te chercher !

Elle hésite…déjà, parce qu’elle n’a envie d’attirer de soucis à personne et aussi parce quelque chose en elle se dresse comme une palissade qui la fait se mettre sur la défensive.

Peut-être cette phrase murmurée par la mère d’Isabelle, il y a quelques secondes à peine, dont elle n’a pas compris le contenu mais qui la met en alerte.

Comme un pressentiment.

Sa copine insiste :

─ Ju, tu ne vas pas rester comme ça, toute seule dehors, dis-moi où tu es et on arrive !

Elle a envie de s’asseoir dans un cocon, de se poser dans une chrysalide, que cette épreuve s’arrête pour qu’elle puisse réfléchir et s’assoupir avec des certitudes germées dans son esprit au réveil.

Elle se sent comme une fugitive, alors qu’elle s’est enfuie depuis seulement quatorze heures de chez ses parents.

Ils ont dû alerter tout Angers, mais ont-ils dormi ? Mangé ? Comment va sa sœur ? Est ce qu’elle pleure ? Est-ce que France se rend compte à quel point Juliette est dévastée de comprendre qu’elle ne représente qu’une déception dans ses yeux maternels mais si peu « maternants » ?

Au bout de quelques minutes, la palissade s’effondre et elle laisse      échapper dans un soupir :

─ dans la cabine téléphonique, Rue La Madeleine…

─ Ok, on va venir, ma mère est partie s’habiller, mais tu as dormi où ? Tu sais que tes parents sont fous d’inquiétude, ils sont venus hier, ils te cherchaient partout…

Ses tirades n’en finissent pas, Juliette trouve ce babillage vide de sens, puisqu’elles allaient se voir dans quelques minutes, une fois que sa mère aurait fini de se préparer, étonnant d’ailleurs, qu’est-ce qu’elle fichait…

Soudain, comme un éclair de compréhension, dans l’esprit embrumé de Juliette, Isabelle essayait de gagner du temps !

Juliette scrute la rue vide et silencieuse, se fige, guette le moindre son émergeant du brouhaha citadin alentour.

Un crissement de pneus dans une rue toute proche, une Rover au croisement.

Son père !

Elle reconnaît l’avant de la voiture, crie « Connasse !» au combiné qui se balance, goguenard, au bout de son tortillon mécanique.

Elle tente alors de s’enfuir en courant, claquant à la volée les portes en verre de la cabine.

Mais la rue est une ligne droite étroite, pas d’endroits où se faufiler en piétonne.

Elle entend le moteur de la Rover rugir, puis voit la voiture la dépasser.

Son père le volant, la bagnole pivote, se gare à travers son chemin, elle est bloquée.

Noël ouvre la portière, la toise et lance :

─ Monte Juliette, fais pas ta gamine !

Elle abdique, de guerre lasse, trahie par une copine qui a fait ce qu’il fallait sans doute, mais trahie quand même.