des questions en ritournelle #extrait 4 L’anonyme intime

Un instant de silence pesant s’écoule avant que Johana, semblant reprendre ses esprits à son tour, ne me jette un regard lourd de sens et se faufile sans un mot dans le couloir en direction de la salle de bains.

Moi, toujours sonnée, j’observe l’écran de ce fichu téléphone qui clignote, assailli par les notifications que je décide d’ignorer pour le moment, obnubilée par l’image de cette main posée tout près, il y a une minute, seulement.

QU’EST-CE QU’IL CHERCHAIT ? QU’EST-CE QU’IL FAISAIT EN PLANQUE SOUS LE LIT ? ET SI FINALEMENT C’ÉTAIT LUI ?

L’anonyme qui me poursuit depuis des semaines, faisant partie de mon quotidien sans même que je ne puisse l’identifier.

« Mais non ! c’est impossible ! William, aussi, reçoit tout un tas de saloperies… ça ne peut pas être lui. Et puis comment il pourrait savoir tout ça ? tu perds la tête ma pauvre… »

A chaque message qu’il reçoit, il semble vieillir de dix ans tant la tournure des phrases qui lui sont adressées est plus agressive, violente. Cette personne qui se présentait au début auprès de moi, comme « quelqu’un qui me veut du bien » semble clairement vouloir l’anéantir. Comme si finalement, je n’étais qu’un dommage collatéral, ou une arme cousue main, comme si la vengeance dont nous sommes la cible lui était destinée. Mais par qui ? Que cachait William à travers ses silences ? Qui voulait lui nuire à ce point, en m’éclaboussant aussi, en m’utilisant pour l’atteindre encore davantage ?

Et même si je le soupçonne de me taire des éléments déterminants dans l’identification de l’anonyme qui s’acharne sur nous depuis des semaines, je ne pense pas Will capable de feindre à ce point, tant il semble abasourdi par la vague qui nous submerge, mais en réalité, je ne sais plus vraiment. Connait-on vraiment les gens avec qui nous vivons ? Que devient l’amour quand il s’en va ? Est-ce qu’il se transforme obligatoirement en haine ou se déverse-t-il plus loin sur un autre couple d’amoureux comme une fine pluie d’été ou des pétales de cerisier japonais ?

Depuis que je lui ai annoncé que je le quittais, William oscille entre coups de colère et excès de romantisme. Comme s’il ignorait encore s’il devait tenter de me conter fleurette ou me livrer une guerre sans merci. Je ne sais plus vraiment à qui j’ai affaire, tant le comportement de mon mari fluctue au fil des heures.

Et si, finalement, je ne l’avais jamais vraiment connu ?

Et si, je ne m’étais laissée charmer que par un masque de cire qui dissimulait jusqu’à présent et à la perfection, la couleur de son âme torturée ?

Tour à tour, agneau puis loup, je le sais désormais capable de violences morales et physiques, capable du pire quand il perd la main. Et pourtant, cette fois-ci, je suis littéralement coincée dans une vie qui n’est pas la mienne. Je ne peux tout simplement pas me permettre de partir du jour au lendemain comme je l’avais toujours fait quand mon ciel tournait à l’orage.

Je ne suis plus seule avec Muffin mon cocker anglais, désormais, mais j’ai charge d’âme et me dois à tout prix de garder la tête froide. Alors je me récite comme un mantra ce qu’il me faut mettre en place pour éviter la casse : Ne pas paniquer, ne pas m’enfuir, dénicher un logement correct pour Fleur et moi, saisir un juge aux Affaires Familiales pour organiser la garde de la petite, obtenir le divorce et surtout, d’ici là, éviter tout dérapage avec celui qui n’est désormais plus que le père de notre enfant. 

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