Ultimes lettres #extrait 12 Une anonyme au bout du fil

Pour comprendre, un peu, cette posture, cette souffrance mêlée à une farouche volonté de faire « tenir » ce quatuor claudicant il faut creuser dans les origines de sa famille à elle, dans l’histoire de ses parents et dans son enfance, traumatisante.

Cadette d’une famille bancale ; fruit d’un père issu de l’élite vichyssoise et d’une mère ; fille d’immigrés italiens, née en France, entre deux guerres.

Une famille bourgeoise – très vieille France – dont le seul fils épouse une fille de ritals pauvres, faut imaginer le bordel !

Elle est belle, élégante, confiante en elle, en sa destinée qui semble lui sourire à pleines dents et s’appelle Rose.

Lui est charismatique, sophistiqué, porte dans ses gênes la fierté de son sang et répond au royal prénom de Louis.

Pourtant, la richesse du temps jadis, avant la seconde guerre et la pestilence qui entoura la ville de Vichy, commençait à fondre. Irrémédiablement.

Malgré les différences sociales et des vies qui les opposent, contre l’avis de la famille de Louis, ils tombent amoureux et décident de se marier, comme dans un conte.

Une petite fille était déjà en route, il fallait « régulariser la situation » selon certains murmures cyniques…

Mais peut-être que cet amour était fort, dévastateur et passionnel, comme une évidence, après tout…

Personne de l’extérieur ne sait jamais vraiment ce qui se cache au plus profond des cœurs ou dans l’intimité d’un couple.

Celui-ci sombre vite…

Louis monte des sociétés, un garage, une société de location de voitures sans chauffeur (à l’époque ça n’existait pas encore, pas de SIXT, ADA ou assimilés)

Ça marche mal, il se met à boire, joue aux courses, perd de l’argent, de plus en plus, prend des maîtresses – mariées parfois.

Rose sait ou devine, sert les dents et met au monde une seconde petite fille : France.

Peut-être pour attacher Louis à elle, encore davantage, peut-être pour tenter de sauver cette famille au bord de l’asphyxie ou encore par hasard, nul ne le sait.

La contraception était à cette époque à un stade préhistorique, la vie des femmes tellement dépendante de celles des hommes – père puis mari et les notions d’honneur et de réputation, fondamentales.

Sauver les apparences, encore, toujours, quoi qu’il en coûte.

France, bébé, puis fillette ne fait pas de bruit : pas de pleurs, pas de cris.

Quand elle est en présence de ses parents, elle se cache derrière Frédérique, son aînée, si jolie, si vivante et qui récolte toute la lumière.

Mais le plus clair de son temps, elle est confiée à ses grands-parents maternels, chez qui elle vit en quasi-permanence.

Ses parents sont trop occupés, sans doute à essayer d’enrayer la course folle de ce clan qui dévale la pente ; en vain…

Louis, un matin d’août 1958, criblé de dettes, poursuivi par des créanciers de plus en plus insistants, acculé par une maîtresse qu’il a mise enceinte et poursuivi par un mari jaloux décide de mettre ses affaires en ordre, comme on dit.

Il écrit une lettre à Rose, dans laquelle il demande pardon en lui réaffirmant son amour.

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