Les quinze derniers jours avant les vacances scolaires passent comme dans un cauchemar.
Chaque jour la rapproche du départ, dans un décompte diabolique.
Des années plus tard, derrière ses écrans anonymes, Juliette se remémorera cette triste période, avec une clarté de roche, comme étant le moment de sa vie où elle apprit à faire semblant.
Après la terrible annonce, quand tous les amis du village se sont rassemblés pour les aurevoirs et qu’elle forçait sur les commissures de ses lèvres pour les étirer en un sourire d’apparat alors que les larmes lui brûlaient les yeux.
Et cette sensation sourde dans la poitrine, une brûlure qui remonte du plexus solaire pour se nicher dans sa gorge et qu’elle n’avait jamais ressenti avec une telle vigueur jusqu’alors ; et qu’elle n’identifiera que bien plus tard, comme de la colère !
De la colère contre le silence, le mensonge, les faux-semblants de ces adultes et leur complice lâcheté face aux évidences.
Cette colère qui la quittera plus, devenant même un pilier, un support, comme un feu intérieur qui assèche les pleurs et masque les preuves de faiblesse et de fragilité.
Alors enfant, lorsqu’elle assiste impuissante, à la scène des adieux qui se déroule sous ses yeux, elle regarde d’un regard nouveau mais terriblement aiguisé, sa mère porter cette décision comme un étendard et sembler paradoxalement résignée mais décidée à quitter son berceau, le métier qu’elle adore, sa maison, sa famille de sang et celle de son cœur.
De toute façon, France traîne le malheur comme son ombre, depuis toujours, tour à tour au bord de l’effondrement et de l’explosion, en équilibre sur un fil.
Une réflexion sur « Le diabolique décompte #extrait 11 Une anonyme au bout du fil »