Sa visite a l’air tellement étrange et formelle, puisque d’ordinaire il ne sonne jamais et qu’ils se voient d’abord dans le jardin ou à la fenêtre….Il a le visage fermé et pâle, on dirait bien qu’il a pleuré.
Juliette s’approche pour le prendre dans ses bras, il se laisse enlacer, elle écoute sa respiration pénible, comme bloquée. Il enfouit son nez dans ses longs cheveux noirs bouclés et murmure à son oreille :
─ Je vais partir vivre chez mon oncle Juliette, on se verra moins…
Un éclair de compréhension traverse les couettes de Juliette, et un nom de ville jaillit de sa mémoire…
─ Mais c’est où Marseille, c’est loin ?
─ Oui, Ju, c’est très loin, mais je reviendrais d’accord, rien ne changera, promis ?
Juliette ne comprend pas tout de la scène qui est en train de se jouer, pour elle tout semble irréel.
A la minute où elle retrouve Gianni, on lui enlève encore. Et vu la gravité de cet échange et l’éclat sombre dans les yeux de son amoureux, elle se doute bien qu’en réalité tout changerait, que tout avait déjà changé, mais elle promet quand même, parce qu’elle sentait qu’il avait besoin d’entendre ces mots-là. Le ciel vient de tomber sur la petite Juliette mais elle ne veut pas se montrer égoïste et laisser voir son chagrin, alors elle virevolte sur ses pieds, monte l’escalier en courant, et redescend quelques secondes plus tard vers Gianni, resté planté là, sous le regard des parents. Elle glisse, dans sa main, son bisounours en peluche préféré, celui avec lequel elle dort tous les soirs, Groschéri, le rose avec des cœurs sur le ventre, et sur sa joue, un bisou tout doux, pour qu’il les emporte avec lui…
Et effectivement, tout devient différent, pour Juliette qui, chaque soir pourtant, regarde de la fenêtre de sa chambre, celle de Gianni qui reste tristement close, figée.
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