Les mois passent, elle n’a bientôt plus besoin de chaise pour monter sur le rebord de sa fenêtre, l’endroit de sa chambre devenu son favori, été comme hiver pour surveiller les volets, le jardin des voisins, en espérant voir s’engouffrer une voiture dans la cour et Gianni en descendre.
Mais il vient de moins en moins, son oncle n’aime pas revenir ici, sa mère non plus, ça lui rappelle sans doute trop de souvenirs malheureux.
Les rentrées scolaires se suivent, elle mène sa barque, gravit les marches malgré des profs qui devraient parfois revoir leurs manières éducatives.
En CM1, dans la classe de Monsieur COSSA, triste bonhomme dégarni aux méthodes pédagogiques d’un autre siècle, elle se lie instantanément à un certain Florent, brun, la fameuse coupe au bol, les yeux noisette, un sourire farouche et si touchant avec sa petite fossette à droite.
Il est surtout très rigolo et bienveillant ; il la fait rire, sourire et la défend dans la cour quand Benoit, le cancre aigri et bête comme ses pieds l’embête. Elle le voit bien la regarder en coin et ses copines se moquent gentiment de la petite Juliette qui nie cette évidence à corps et à cris et lui adresse de francs sourires. Une silencieuse connivence s’installe pour grandir chaque jour davantage.
Le visage de Gianni s’efface doucement, pour être remplacé par celui de Flo, lorsque le marchand de sable souffle sur ses paupières. Flo et elle sont encore dans la même classe en CM2 et deviennent plus téméraires. Ils font les 400 coups dans la cour de récré ou dans la salle de classe ; les petits mots passent de trousse en trousse volent dans les airs, des têtards sont glissés dans la fontaine de l’école.Parfois, ils se voient à l’extérieur chez des copains, tout le monde sait que Juliette est l’amoureuse de Flo et réciproquement.
Ils s’aiment comme des enfants, sans se le dire, dans la simplicité emplie de certitudes. On le sait, on le ressent, on dévoile ses sentiments par intermédiaires.
« Machine a dit à machin, que tu m’aimes c’est vrai ? »
Trop de pudeur, peut-être, pour prononcer ces phrases d’adultes qui n’ont que peu de sens à cet âge finalement.
Quand ils entrent au collège, ils sont séparés. Juliette fait Allemand, un mauvais coup de Noel qui en tant que linguiste, pense que l’avenir appartient aux germanistes. Flo, lui a pris Anglais comme presque… le monde entier. Ils ne sont plus dans la même classe mais s’arrangent pour se voir le plus possible, pour se croiser, échanger un sourire, ou juste se frôler.
Elle se mariera avec lui de toute façon, elle est en persuadée. Ils en ont parlé ensemble au téléphone, la date n’est pas arrêtée mais elle le sait, elle le sent dans son ventre, quand ses yeux se posent sur lui ou qu’il a le dos tourné.
C’est bien une preuve ça, non ?
Au début de son année de 5ème, Noël quitte son poste à Vichy et devient Maitre de conférences à Angers. Juliette ne sait pas trop où c’est…apparemment c’est en France, mais en réalité, elle se moque un peu de la Géographie, ça n’a jamais été sa matière préférée.
Elle préfère se concentrer sur sa petite vie de collégienne aux Célestins, parce qu’en vrai, la vie des adultes a l’air bien compliquée.
Une réflexion sur « Et puis Flo… #extrait 7 Une anonyme au bout du fil »